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Ivan, un jeune gars de vingt-cinq ans, est venu à Moscou pour acheter une voiture. Ouvrier dans une ville de province, il est très impressionné de se retrouver pour la première fois dans la capitale. Il se sent un peu perdu. Sur une immense avenue, il découvre un bâtiment dont la façade est longue de cinquante mètres et au sommet duquel trône une gigantesque enseigne « Volga » faite de lettres hautes de huit mètres.
À l’intérieur du bâtiment, des centaines de personnes forment de longues files d’attente jusqu’à des guichets. Casquette à la main, notre homme prend humblement son tour dans la queue et au bout d’une demi-heure il se retrouve devant un vendeur :
— Camarade, je viens me renseigner pour savoir comment faire pour acheter une de vos magnifiques voitures Volga.
— C’est très simple, camarade. Tu m’apportes une valise avec cinq cent mille roubles en liquide, tu choisis la couleur de ta voiture et je te donne la date de livraison.
— Ah ! C’est aussi simple que cela ?
— C’est aussi simple que cela !
— Ah bien, merci beaucoup.

Notre homme ressort, rentre dans sa province et travaille pendant vingt-cinq ans pour économiser la somme dont il a besoin pour s’acheter sa voiture. Au bout de ces vingt-cinq années, il reprend le chemin de la capitale avec dans sa valise cinq cent mille roubles en espèces. Le bâtiment Volga est toujours situé au même endroit. À l’intérieur ce sont toujours d’interminables files d’individus attendant leur tour. En entrant Ivan a repéré le vendeur qui l’avait renseigné vingt-cinq ans auparavant. Certes celui-ci a vieilli, grossi, les quelques cheveux qui lui restent sont devenus gris, mais c’est bien le même homme. « Il ne se souviendra pas de moi, se dit Ivan, mais je préfère me mettre dans sa file, on ne sait jamais. » Cela le rassure de revoir la même tête. Au bout de trois quarts d’heure, il se retrouve en présence de son vendeur :
— Camarade ?
— C’est pour commander ma voiture, c’est bien toujours cinq cent mille roubles dans une valise ?
— Absolument, camarade, le prix n’a pas changé.

Notre homme tend sa valise. Le vendeur l’ouvre et compte les roubles :
— Le compte y est, camarade, quelle couleur choisissez-vous ?

Il tend à Ivan un prospectus avec le choix des couleurs :
— Attendez, attendez, cela fait vingt-cinq ans que je travaille pour pouvoir me payer cette voiture et…
— Pressez-vous, camarade, pressez-vous, vous voyez bien qu’il y a la queue derrière vous…
— Oui, oui, je comprends. Eh bien disons gris, que me conseillez-vous ?
— Gris, rouge, vert, bleu ou même noir si vous voulez, moi vous savez c’est pas mon problème. C’est votre voiture, c’est à vous de choisir.
— Ah, la la ! Ma femme la voudrait rouge, mais…
— Écoutez, camarade, décidez-vous. Vous faites attendre les autres camarades.
— Oui, oui, alors disons une bleue.
— Eh bien voilà ! Une Volga bleue. On est aujourd’hui le 2 mai 1979, vous serez donc livré le 14 juin 1996.
— Ah ! parce qu’il faut que j’attende à nouveau…
— Ah, bien sûr, camarade, les carnets de commandes de l’usine sont archi-pleins.
— Mais mon argent ?…
— Votre argent, on le garde, il sert à payer les camarades ouvriers !
— Ah oui ! Alors je serai livré le 14 juin 1996, oui, oui, oui…
— Si vous n’en voulez pas, je déchire le contrat.
— Non, non, non, c’est très bien. Le 14 juin 1996. Bien, très bien !

Préoccupé, Ivan ressort de chez Volga. Une fois dans la rue, il fait quelques pas, puis rebrousse soudainement chemin et entre à nouveau dans le bâtiment. Cette fois-ci il se rend directement au guichet qu’il vient de quitter et passant devant le camarade dont c’est le tour, il demande au vendeur :
— Excusez-moi, camarade.
— Vous ne voulez plus de votre voiture ?
— Si, si, j’en veux toujours, bien sûr, mais vous m’avez dit le 14 juin 1996 comme date de livraison ?
— Oui, le 14 juin 1996.
— Et ce sera le matin ou l’après-midi ?
— Ah ! Chez Volga, on livre toujours l’après-midi.
— Ah ! Tant mieux, parce que le matin, j’ai le plombier.